Kwe ! À la rencontre de nos racines amérindiennes - par l-Editeur
Coup sur coup les gens des Premières nations nous ont accueillis à deux fins de semaine fortes en couleurs et même en émotions. Fin août, c'était d'abord Place des Premiers Peuples au Rendez-vous Limoilou 2017, à l'Anse-à-Cartier. Puis début septembre Kwe ! À la rencontre des peuples autochtones, Place de l'Assemblée nationale, à Québec.
Le premier événement émanait du Cercle Kisis *.
Le second était une initiative d'Affaires autochtones et Nord Canada en collaboration avec le Conseil de la Nation huronne-wendat et l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador. Le Cercle Kisis en a coordonné le volet jeunesse, avec sa création d'une oeuvre collective.
Au milieu des danses rythmées du tambour qui s'entendaient de très loin en s'approchant, des contes et légendes, des jeux traditionnels, au milieu des films documentaires, de la construction d'un mini-canot d'écorce devant nos yeux ou des conversations que nous avions librement avec les gens des Premières nations, trois moments m'ont particulièrement touché.
L'un a été, au cours du premier événement, la fresque historique que nous a dessinée Alexandre Bacon sous le shaputuan : il nous a fait vivre de l'intérieur la réalité amérindienne depuis la Nouvelle-France jusqu'à aujourd'hui. J'y reviendrai tout à l'heure...
Un autre moment sensible pour moi, qui adore l'histoire, a été lors du deuxième événement, lorsque j'ai pénétré dans la grande tente qui rassemblait des porte-parole des 11 nations autochtones du Québec : «Ouaouah !...» Entre autres, j'ai littéralement bu ce que nous racontait un aîné Micmac, historien par surcroît, sur l'ancrage de sa nation à Gaspé, avec un rayonnement dans tout l'est du Québec à l'époque où sont venus les Vikings. Puis l'histoire recule de 10 000 ans : il nous parle des migrations de leurs ancêtres à travers le détroit de Béring - communes à la plupart des peuples autochtones d'Amérique du nord et du sud. Je n'avais pas assez d'oreilles pour l'écouter quand il nous a donné des exemples d'expressions cousines dans la langue micmac et dans la langue chinoise !... À sa connaissance, 60% de la population québécoise aurait du sang amérindien dans ses veines.
À quelques pas de là, je découvrais ensuite une douzaine d'artistes en train d'achever la fresque dont vous voyez quelques photos plus bas : nouvelle émotion forte pour moi. Une création collective entre des jeunes des nations autochtones (Attikamekw, Wandat, Innus...) et des jeunes Blancs, un marathon de 48 heures. On sentait une énergie dans l'assistance quand les auteurs de la fresque ont décrit la toile et la «rencontre» que sa création leur a fait vivre. L'oeuvre évoque des aspects chers au coeur des Amérindiens : cérémonie dans le cercle, rêves sacrés innus reflétés dans le tambour, imaginaire inuit dans les aurores boréales, et même un symbole du drame des femmes plus récemment disparues. La fresque va être offerte à la communauté de Wendake.
Deux artisanes du projet en disent un mot vibrant, à la fin : «Ce fut toute une aventure... » raconte Sarah Cleary. «...Malgré tous les défis que vous avez dans vos vies, j'ai senti à travers cette toile la détermination que vous avez... On doit se reconnecter au territoire et le protéger... » Guitté Hartog. ajoute : «C'est plus beau parce qu'on s'est mis ensemble de toutes les nations, parce qu'on est différents... L'art ça ne sert à rien, mais ça humanise : on a tellement besoin de s'humaniser... Souvent on ne sait pas où est-ce qu'on s'en va comme pays, comme nations, comme familles, comme personnes. C'est d'accepter le flou... 'Faut apprendre à vivre ensemble, que chacun prenne sa place... parce qu'on croit qu'on participe à quelque chose qui est plus grand que nous autres... »
Alexandre Bacon, anthropologue, est Innu par son origine paternelle, et métissé. Sa causerie lors du premier événement s'inscrivait dans le contexte des 150 ans de l'histoire canadienne. Il nous a rappelé que 60 langues amérindiennes sont parlées à travers le Canada, et qu'on trouve 11 nations autochtones au Québec, en 55 communautés.
Jusqu'aux années 1800, nos relations entre peuples ont été avant tout des relations d'alliances, économiques particulièrement. Elles ont commencé avec les Vickings et les Basques, donc bien avant la rencontre avec Jacques Cartier.
Il a évoqué notre origine coloniale, déterminante pour le découpage du territoire, et la volonté avouée de faire disparaître les Indiens ou de les assimiler. Ainsi, Amherst a distribué des couvertures imbibées de petite vérole. Une dizaine de milliers d'enfants ont été obligés de vivre en pensionnats, comparable à des camps de concentration. La fermeture du dernier remonte à... 1996 ! Les archives fédérales racontent même les tentatives de leur inculquer la tuberculose...
Bacon évoque la Loi sur les Indiens de 1857, qui se décrit comme ''L'acte pour la civilisation graduelle des Sauvages du Canada''. Les réserves sont une créature de cette loi; elles obligeaient les Amérindiens nomades à se sédentariser. Aujourd'hui encore les Autochtones sont considérés des mineurs, civilement. Bien des communautés doivent encore vivre à l'écart les unes des autres et de nos villes, sans moyens de transport, notamment chez les Inuits. En 1955-56, 30 000 chiens de traîneaux étaient abattus par les autorités fédérales, par volonté de les ''civiliser'' et de les arracher à leur territoire - «...une déchirure qu'éprouvent aussi bien des migrants : c'est comme être un réfugié chez soi... » La Commission Vérité et réconciliation a reconnu ces drames créés par la colonisation, aussi dans d'autres pays à travers le monde.
« ...Il y a une réconciliation qui est à faire, entre les peuples, avec notre territoire, avec la nature... une célébration de la diversité.» Il ajoute: « Ce que je vous souhaite le plus... c'est d'avoir la chance d'accompagner les Autochtones en forêt... Vous allez trouver l'humanité qu'il y a à travers les Premières nations... une simplicité...quelque chose de plus vrai... C'est urgent qu'on célèbre cette vision du monde là, avant qu'on aille trop loin dans notre destruction générale (de la forêt, du territoire)....»
Le ton est affirmatif, mais serein : « On est obligé de considérer les aspects plus sombres de l'histoire... ...mais il y a de la lumière, il y a de l'espoir... ...Votre simple présence ici, votre désir d'en apprendre davantage, c'est énorme... » Bacon montre une direction pour cet espoir : «...dans l'éducation, dans la fierté... c'est quand une communauté s'implique activement dans la définition des solutions qui sont à mettre en oeuvre ...et qu'on l'invite à s'y engager... Il faut retrouver un sens à sa vie comme individu et comme société... »
Vous le constatez, j'ai mélangé ici à dessein les événements des deux fins de semaine. C'est que, dans les deux cas, ce sont les Premières nations qui viennent au-devant de nous. Et avec le même état d'esprit : « Kwe !...bonjour ! »
Aujourd'hui, les Autochtones ne sont pas en train de disparaître; ils deviennent même plus nombreux. Où en sommes-nous dans nos rapports avec eux ?...
En sortant de ces journées, je me suis surpris à vouloir dire à ceux que j'ai côtoyés : « On ne tuera pas l'Indien en vous : vous êtes en train de le faire renaître en nous... »
_________
* Alexandre Bacon et Sarah Clément sont à l'origine du Cercle Kisis - un nom qui veut dire soleil, dans la langue anishnabe. Ils s'entourent d'une bande de jeunes heureux derapprocher les Premières nations et les Québécois de toutes origines. https://www.facebook.com/cerclekisis/
Coup sur coup les gens des Premières nations nous ont accueillis à deux fins de semaine fortes en couleurs et même en émotions. Fin août, c'était d'abord Place des Premiers Peuples au Rendez-vous Limoilou 2017, à l'Anse-à-Cartier. Puis début septembre Kwe ! À la rencontre des peuples autochtones, Place de l'Assemblée nationale, à Québec.
Le premier événement émanait du Cercle Kisis *.
Le second était une initiative d'Affaires autochtones et Nord Canada en collaboration avec le Conseil de la Nation huronne-wendat et l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador. Le Cercle Kisis en a coordonné le volet jeunesse, avec sa création d'une oeuvre collective.
Au milieu des danses rythmées du tambour qui s'entendaient de très loin en s'approchant, des contes et légendes, des jeux traditionnels, au milieu des films documentaires, de la construction d'un mini-canot d'écorce devant nos yeux ou des conversations que nous avions librement avec les gens des Premières nations, trois moments m'ont particulièrement touché.
L'un a été, au cours du premier événement, la fresque historique que nous a dessinée Alexandre Bacon sous le shaputuan : il nous a fait vivre de l'intérieur la réalité amérindienne depuis la Nouvelle-France jusqu'à aujourd'hui. J'y reviendrai tout à l'heure...
Un autre moment sensible pour moi, qui adore l'histoire, a été lors du deuxième événement, lorsque j'ai pénétré dans la grande tente qui rassemblait des porte-parole des 11 nations autochtones du Québec : «Ouaouah !...» Entre autres, j'ai littéralement bu ce que nous racontait un aîné Micmac, historien par surcroît, sur l'ancrage de sa nation à Gaspé, avec un rayonnement dans tout l'est du Québec à l'époque où sont venus les Vikings. Puis l'histoire recule de 10 000 ans : il nous parle des migrations de leurs ancêtres à travers le détroit de Béring - communes à la plupart des peuples autochtones d'Amérique du nord et du sud. Je n'avais pas assez d'oreilles pour l'écouter quand il nous a donné des exemples d'expressions cousines dans la langue micmac et dans la langue chinoise !... À sa connaissance, 60% de la population québécoise aurait du sang amérindien dans ses veines.
À quelques pas de là, je découvrais ensuite une douzaine d'artistes en train d'achever la fresque dont vous voyez quelques photos plus bas : nouvelle émotion forte pour moi. Une création collective entre des jeunes des nations autochtones (Attikamekw, Wandat, Innus...) et des jeunes Blancs, un marathon de 48 heures. On sentait une énergie dans l'assistance quand les auteurs de la fresque ont décrit la toile et la «rencontre» que sa création leur a fait vivre. L'oeuvre évoque des aspects chers au coeur des Amérindiens : cérémonie dans le cercle, rêves sacrés innus reflétés dans le tambour, imaginaire inuit dans les aurores boréales, et même un symbole du drame des femmes plus récemment disparues. La fresque va être offerte à la communauté de Wendake.
Deux artisanes du projet en disent un mot vibrant, à la fin : «Ce fut toute une aventure... » raconte Sarah Cleary. «...Malgré tous les défis que vous avez dans vos vies, j'ai senti à travers cette toile la détermination que vous avez... On doit se reconnecter au territoire et le protéger... » Guitté Hartog. ajoute : «C'est plus beau parce qu'on s'est mis ensemble de toutes les nations, parce qu'on est différents... L'art ça ne sert à rien, mais ça humanise : on a tellement besoin de s'humaniser... Souvent on ne sait pas où est-ce qu'on s'en va comme pays, comme nations, comme familles, comme personnes. C'est d'accepter le flou... 'Faut apprendre à vivre ensemble, que chacun prenne sa place... parce qu'on croit qu'on participe à quelque chose qui est plus grand que nous autres... »
Alexandre Bacon, anthropologue, est Innu par son origine paternelle, et métissé. Sa causerie lors du premier événement s'inscrivait dans le contexte des 150 ans de l'histoire canadienne. Il nous a rappelé que 60 langues amérindiennes sont parlées à travers le Canada, et qu'on trouve 11 nations autochtones au Québec, en 55 communautés.
Jusqu'aux années 1800, nos relations entre peuples ont été avant tout des relations d'alliances, économiques particulièrement. Elles ont commencé avec les Vickings et les Basques, donc bien avant la rencontre avec Jacques Cartier.
Il a évoqué notre origine coloniale, déterminante pour le découpage du territoire, et la volonté avouée de faire disparaître les Indiens ou de les assimiler. Ainsi, Amherst a distribué des couvertures imbibées de petite vérole. Une dizaine de milliers d'enfants ont été obligés de vivre en pensionnats, comparable à des camps de concentration. La fermeture du dernier remonte à... 1996 ! Les archives fédérales racontent même les tentatives de leur inculquer la tuberculose...
Bacon évoque la Loi sur les Indiens de 1857, qui se décrit comme ''L'acte pour la civilisation graduelle des Sauvages du Canada''. Les réserves sont une créature de cette loi; elles obligeaient les Amérindiens nomades à se sédentariser. Aujourd'hui encore les Autochtones sont considérés des mineurs, civilement. Bien des communautés doivent encore vivre à l'écart les unes des autres et de nos villes, sans moyens de transport, notamment chez les Inuits. En 1955-56, 30 000 chiens de traîneaux étaient abattus par les autorités fédérales, par volonté de les ''civiliser'' et de les arracher à leur territoire - «...une déchirure qu'éprouvent aussi bien des migrants : c'est comme être un réfugié chez soi... » La Commission Vérité et réconciliation a reconnu ces drames créés par la colonisation, aussi dans d'autres pays à travers le monde.
« ...Il y a une réconciliation qui est à faire, entre les peuples, avec notre territoire, avec la nature... une célébration de la diversité.» Il ajoute: « Ce que je vous souhaite le plus... c'est d'avoir la chance d'accompagner les Autochtones en forêt... Vous allez trouver l'humanité qu'il y a à travers les Premières nations... une simplicité...quelque chose de plus vrai... C'est urgent qu'on célèbre cette vision du monde là, avant qu'on aille trop loin dans notre destruction générale (de la forêt, du territoire)....»
Le ton est affirmatif, mais serein : « On est obligé de considérer les aspects plus sombres de l'histoire... ...mais il y a de la lumière, il y a de l'espoir... ...Votre simple présence ici, votre désir d'en apprendre davantage, c'est énorme... » Bacon montre une direction pour cet espoir : «...dans l'éducation, dans la fierté... c'est quand une communauté s'implique activement dans la définition des solutions qui sont à mettre en oeuvre ...et qu'on l'invite à s'y engager... Il faut retrouver un sens à sa vie comme individu et comme société... »
Vous le constatez, j'ai mélangé ici à dessein les événements des deux fins de semaine. C'est que, dans les deux cas, ce sont les Premières nations qui viennent au-devant de nous. Et avec le même état d'esprit : « Kwe !...bonjour ! »
Aujourd'hui, les Autochtones ne sont pas en train de disparaître; ils deviennent même plus nombreux. Où en sommes-nous dans nos rapports avec eux ?...
En sortant de ces journées, je me suis surpris à vouloir dire à ceux que j'ai côtoyés : « On ne tuera pas l'Indien en vous : vous êtes en train de le faire renaître en nous... »
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* Alexandre Bacon et Sarah Clément sont à l'origine du Cercle Kisis - un nom qui veut dire soleil, dans la langue anishnabe. Ils s'entourent d'une bande de jeunes heureux derapprocher les Premières nations et les Québécois de toutes origines. https://www.facebook.com/cerclekisis/
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Dernière mise à jour: 7 février 2019