Marcher deux lunes dans les mocassins de l'autre - par L'Éditeur
J'étais pensif en lisant l'article. Je me demandais quelles occasions il faudrait créer pour que les deux groupes puissent se parler de leurs visions respectives du développement ou du progrès... et surtout s'écouter ! Qu'est-ce qui amènerait chacune à reconnaître que les deux visions sont dignes d'intérêt, et sans doute complémentaires ? Plus loin même, essentielles - si nous voulons dissoudre peu à peu le sentiment de discrimination des Innus, tout comme la frustration des Blancs à percevoir les Indiens comme des privilégiés ?... Bien entendu, il faudra des concessions de part et d'autres. Long pas !... N'est-ce pas tout le défi évoqué par l'expression autochtone « ...Avoir marché dans tes mocassins » ?
Dans sa communication, la chercheure donne des preuves que c'est possible : elle évoque par exemple que les deux groupes ont une vision d'avenir positive du chantier de la Romaine, anticipant la possibilité de grossir la population locale et d'augmenter les redevances perçues par la communauté innu. Autre exemple : le fait que l'Association des gens d'affaires de la Minganie a été une création conjointe des Innus et des Blancs.
Mais ces pas sont fragiles s'ils ne sont que de la tête : on peut dorer son image publique sans pour autant se rapprocher. Je me dis qu'il faut des points d'appui plus solides, plus réels. Ce n'est pas tout le monde qui cherche à trouver ces bases dans une vision citoyenne ou même spiritualiste. Où alors les trouver, sinon dans des moments de loisir ensemble en marge du chantier, par simple plaisir de vivre ? L'autre n'est pas menaçant, et même qu'on a ri ensemble. N'est-ce pas ce que font nos enfants dans leurs carrés de sable, puis dans leurs cours d'école ?
Et là une étincelle peut se produire. Essayons d'en suivre la trajectoire de plus près. Quand j'ai contacté l'autre en chair et en os, quand j'ai vu ses enfants jouer avec les miens, tiens... : je me surprends à penser à ces gens-là au moment où je m'y attends le moins : ils m'habitent un peu... Peut-être avons-nous accordé deux instruments de musique, et nous nous sommes découvert quelques soifs communes. Ils existent pour moi. Tiens, tiens... et je me mets à les trouver beaux même dans leur différence.
Ceux qui auront goûté à cette étincelle voudront peut-être se revoir. Peut-être même vont-ils trouver une certaine confiance, doublée d'une bouffée d'énergie, pour proposer à leur groupe d'appartenance des initiatives plus formelles en direction d'un rapprochement qui va plus loin.
Après un temps, on finit par regarder en arrière et à s'étonner ensemble du chemin parcouru. Magie de l'être humain...
(1) Le Devoir, 2015-05-28
Denis Breton
2015-05-28
J'étais pensif en lisant l'article. Je me demandais quelles occasions il faudrait créer pour que les deux groupes puissent se parler de leurs visions respectives du développement ou du progrès... et surtout s'écouter ! Qu'est-ce qui amènerait chacune à reconnaître que les deux visions sont dignes d'intérêt, et sans doute complémentaires ? Plus loin même, essentielles - si nous voulons dissoudre peu à peu le sentiment de discrimination des Innus, tout comme la frustration des Blancs à percevoir les Indiens comme des privilégiés ?... Bien entendu, il faudra des concessions de part et d'autres. Long pas !... N'est-ce pas tout le défi évoqué par l'expression autochtone « ...Avoir marché dans tes mocassins » ?
Dans sa communication, la chercheure donne des preuves que c'est possible : elle évoque par exemple que les deux groupes ont une vision d'avenir positive du chantier de la Romaine, anticipant la possibilité de grossir la population locale et d'augmenter les redevances perçues par la communauté innu. Autre exemple : le fait que l'Association des gens d'affaires de la Minganie a été une création conjointe des Innus et des Blancs.
Mais ces pas sont fragiles s'ils ne sont que de la tête : on peut dorer son image publique sans pour autant se rapprocher. Je me dis qu'il faut des points d'appui plus solides, plus réels. Ce n'est pas tout le monde qui cherche à trouver ces bases dans une vision citoyenne ou même spiritualiste. Où alors les trouver, sinon dans des moments de loisir ensemble en marge du chantier, par simple plaisir de vivre ? L'autre n'est pas menaçant, et même qu'on a ri ensemble. N'est-ce pas ce que font nos enfants dans leurs carrés de sable, puis dans leurs cours d'école ?
Et là une étincelle peut se produire. Essayons d'en suivre la trajectoire de plus près. Quand j'ai contacté l'autre en chair et en os, quand j'ai vu ses enfants jouer avec les miens, tiens... : je me surprends à penser à ces gens-là au moment où je m'y attends le moins : ils m'habitent un peu... Peut-être avons-nous accordé deux instruments de musique, et nous nous sommes découvert quelques soifs communes. Ils existent pour moi. Tiens, tiens... et je me mets à les trouver beaux même dans leur différence.
Ceux qui auront goûté à cette étincelle voudront peut-être se revoir. Peut-être même vont-ils trouver une certaine confiance, doublée d'une bouffée d'énergie, pour proposer à leur groupe d'appartenance des initiatives plus formelles en direction d'un rapprochement qui va plus loin.
Après un temps, on finit par regarder en arrière et à s'étonner ensemble du chemin parcouru. Magie de l'être humain...
(1) Le Devoir, 2015-05-28
Denis Breton
2015-05-28
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Dernière mise à jour: 7 février 2019