Nos prises de position citoyennes... - par Editeur
Quels sont vos points de repère pour réagir aux situations de conflit
dans le domaine interculturel ou inter-religieux?...
Hier, au Parvis de St-Roch, j'ai participé au rassemblement autour de L’Égalité et la Diversité’, à l’invitation du CAPMO.
Dans l'assistance, j'ai repéré plusieurs membres d'organismes communautaires et quelques représentants de la communauté musulmane de Québec.
Entre autres :
- Marie-Émilie Lacroix a prix la parole avec courage au nom de la communauté des Premières Nations.
- Rachid Raffa a parlé avec émotion de la difficulté pour la communauté musulmane d’obtenir un cimetière dans la région de Québec.
- Une dame a parlé avec son coeur sur ses des deux années passées au sein d'une communauté musulmane au Magreb: elle avait toujours senti un grand respect à son égard, elle qu'on savait d'héritage catholique.
Des interventions m'ont laissé perplexe. Je suis venu à deux doigts de prendre la parole. Plutôt, j'ai questionné Monsieur Raffa afin de mieux comprendre les aspirations d'un Musulman qui vit un deuil.
Après l'événement, j'étais pensif : des grands médias activent la peur de l'autre. Des politiciens en profitent pour se faire du capital politique. On fait dire ce qui nous arrange aux sondages sur le racisme ou l'intolérance, qui réduisent des sensibilités humaines à une statistique. Comme il est facile de juger ceux qui ne pensent pas comme nous, et difficile de savoir comment réagir pour faire autre chose que de jeter de l'huile sur le feu.
Je n'ai pas pris la parole, mais j'ai résolu de réfléchir à mes valeurs sûres, à mes points d'appui, pour apporter plus tard, peut-être, une parole constructive rafraîchissante. Je repensais à une phrase qui m'avait marqué, déjà : « Il y a pire que le mensonge: c'est une vérité qui ne débouche pas sur l'espoir»...
J'ai trouvé cinq pistes de réflexion pour mon coffre d'outil citoyen. Bien sûr, c'est dans la ligne du billet précédent dans ce blogue : «Mesurer le degré d’islamophobie? - Et si on dressait la carte d’avancement de nos dialogues interculturels?...» Je vous les partage:
J’ai eu un fils adoptif qui portait la douleur de l’abandon par ses parents, et qui du coup se sentait justifié de faire les 400 coups pour en faire baver d’autres. Il m’a fait comprendre que nous avons tous un sens inné de la justice de la vie, et qu’on peut en arriver à se sentir un mandat de justicier. L'origine latine du mot connaître veut dire naître avec.
Comment les gens que nous jugeons se perçoivent-ils eux-mêmes? Quelle vision du monde appuie leurs comportements, ceux que nous admirons comme ceux que nous déplorons? Qu’est-ce qui - à leurs yeux - justifie qu’ils pensent comme ils pensent, qu’ils se comportent comme ils se comportent?...
L'imam Guillet l'a bien compris. Suite à l'attentat de la Grande Mosquée de Québec en mars 2017, il a publiquement demandé au meurtrier de l'aider à comprendre ce qui s'était passé dans son esprit pour qu'il en arrive à poser son acte. J'ai trouvé cette invitation magnifique, et sûrement porteuse d'avenir.
Corruption, économie qui n'enrichit que les riches, pollution de la planète, pratiques peu démocratiques, etc. : de plus en plus les gens et les communautés sortent du silence, affirment leur soif d’autre chose. - Enfin ! Bien sûr, c'est chargé d'émotion, mais ça fait surface et ça nous questionne tous ensemble.
Dans trois ans d'ici, supposons, qu'est-ce qui aura vraiment provoqué des changements salutaires?...
Que se passe-t-il quand nous dénonçons une situation jugée inacceptable? On accuse, attaque-défense, les positions se rigidifient... Premier résultat: on baisse son propre niveau d’énergie. La population s'inquiète. Et c'est toute la société qui finit par y perdre. Est-ce vraiment ça que nous voulons?...
J'ai connu un parent qui disait à ses jeunes, devenus militants «Dénonce si tu as quelque chose à proposer, sinon tais-toi»
Quelles semences nos interventions lancent-elles devant?...
La plupart d’entre nous avons jardiné et montré à nos enfants comment le faire.
- Nous choisissons nos semences, nous savons qu’une graine de carotte donnera une carotte, pas un chou; et qu’une seule graine en donnera plusieurs.
- Le jardin commence à pousser, et alors nous arrosons les fleurs que nous voulons voir pousser, surtout pas les autres !
Ça nous paraît évident; pourtant nous l'oublions au moment de vouloir régler un conflit. Entre nos deux oreilles il y a aussi un jardin, qui obéit aussi à cette dynamique de la vie. Quelles fleurs de vivre-ensemble voulons-nous voir pousser? Peut-être étoufferont-elles d'elles-mêmes les mauvaises herbes?... Il y a des gens qui s'acharnent à tirer sur l'obscurité, inconscients qu'il fournissent du carburant à ce qu'ils ne veulent pas. Il y en a d'autres qui allument des petites lumières...
Les communautés amérindiennes interrogent leurs rêves pour choisir leurs projets. La psychologie nous propose la visualisation créatrice. Pour ma part, je suis séduit par un enfant quand il veut un jouet qui le fascine. Il l'a mangé des yeux au magasin, il entre en émotion jusqu'à danser sa demande à ses parents ...au point qu'ils ne peuvent plus le lui refuser. Et si la vie fonctionnait avec cette dynamique semence-récolte partout?...
Quelle motivation à changer d’attitude suscitons-nous chez ceux que nous étiquetons d’islamophobes ou ou de revendicateur-qui-vient-nous-changer-chez-nous?... Une amie, préposée dans une cafétéria d'hôpital, me racontait qu'elle avait plaisir à complimenter certaines femmes musulmanes sur la beauté de leur voile. Qui sait si de retour chez elles, ces femmes ont pu se demander elles-mêmes leurs raisons de porter un voile?... L'une qui le porte par sentiment d'appartenance à sa communauté d'origine continuera sans doute à le porter. Une autre qui le vit comme une prescription sociale patriarcale osera peut-être l'enlever...
«On ne voit bien qu’avec le cœur» disait le Petit Prince.
Ce que plusieurs ne voient pas, c'est que leurs interventions nous paralysent dans un modèle gagnants-perdants. Il faut des coupables, ce sont eux...
Un autre principe d'action me paraît sûr : «On ne peut pas changer une situation en restant dans le modèle de pensée qui l’a fait naître» : c'est un des constats que font les analyses sur des changements sociaux qui ont avorté.
Nos solutions sont-elles vraiment d'un modèle gagnants-gagnants? Ça demande le courage d'exiger, et de soi et des autres, que chacun fasse son bout de chemin, accepte des compromis. C'est le prix à payer pour réellement créer du neuf ensemble.
Nos rencontres Cultures au coeur sont nées dans l'esprit du proverbe amérindien : « Tu comprendras l’autre quand tu auras marché trois lunes dans ses mocassins». Nous avons commencé par tenir des soirées-rencontres qui réunissent des Québécois d’origine et des Québécois d’adoption : des témoins sont invités à nous raconter leur parcours culturel.
Par exemple, une personne comme Nour Sayem - Syrienne d’origine et réfugiée au Québec depuis 50 ans - nous a appris à voir l’égalité hommes-femmes avec d’autres yeux, nous montrant comment sous des dehors où ce sont les hommes qui prennent nombre de décisions, ce sont les femmes qui inspirent les décideurs et désamorcent bien des conflits. Les femmes syriennes ont obtenu le droit de vote bien avant les femmes québécoises !
Après plus de trois ans à tenir ces rencontres - avec un grand bonheur, d'ailleurs - nous entreprenons d'explorer le jumelage interculturel, voulant vivre un contact plus direct de personnes à personnes, de familles à familles, au pied de notre porte. Notre idéal est modeste: semer quelques germes d’amitié avec quelqu’un d’une autre culture que la nôtre. Et s'il y a des services à échanger, le faire à travers l'Accorderie de Québec, qui a mis au point un système de troc basé sur le gagnant-gagnant. Faire des choses de plaisir ensemble, s'écouter, découvrir d'autres visions de la vie, au travers des courses à faire, des enfants à prendre dans les bras et des inattendus vécus de part et d'autre à la petite semaine.
Ma conclusion
Oui, je suis convaincu que le contact au milieu de la vie ordinaire, direct, accueillir sa vérité telle que lui la voit au risque qu’elle vienne secouer la mienne, est porteur de semences. J'appellerais ça prendre le risque de l'autre.
Je crois que toute semence aura sa récolte. Comment?... Je ne le sais pas par avance et je n’ai pas à trouver seul la réponse : et si nous la trouvions ensemble?
Quels sont vos points de repère pour réagir aux situations de conflit
dans le domaine interculturel ou inter-religieux?...
Hier, au Parvis de St-Roch, j'ai participé au rassemblement autour de L’Égalité et la Diversité’, à l’invitation du CAPMO.
Dans l'assistance, j'ai repéré plusieurs membres d'organismes communautaires et quelques représentants de la communauté musulmane de Québec.
Entre autres :
- Marie-Émilie Lacroix a prix la parole avec courage au nom de la communauté des Premières Nations.
- Rachid Raffa a parlé avec émotion de la difficulté pour la communauté musulmane d’obtenir un cimetière dans la région de Québec.
- Une dame a parlé avec son coeur sur ses des deux années passées au sein d'une communauté musulmane au Magreb: elle avait toujours senti un grand respect à son égard, elle qu'on savait d'héritage catholique.
Des interventions m'ont laissé perplexe. Je suis venu à deux doigts de prendre la parole. Plutôt, j'ai questionné Monsieur Raffa afin de mieux comprendre les aspirations d'un Musulman qui vit un deuil.
Après l'événement, j'étais pensif : des grands médias activent la peur de l'autre. Des politiciens en profitent pour se faire du capital politique. On fait dire ce qui nous arrange aux sondages sur le racisme ou l'intolérance, qui réduisent des sensibilités humaines à une statistique. Comme il est facile de juger ceux qui ne pensent pas comme nous, et difficile de savoir comment réagir pour faire autre chose que de jeter de l'huile sur le feu.
Je n'ai pas pris la parole, mais j'ai résolu de réfléchir à mes valeurs sûres, à mes points d'appui, pour apporter plus tard, peut-être, une parole constructive rafraîchissante. Je repensais à une phrase qui m'avait marqué, déjà : « Il y a pire que le mensonge: c'est une vérité qui ne débouche pas sur l'espoir»...
J'ai trouvé cinq pistes de réflexion pour mon coffre d'outil citoyen. Bien sûr, c'est dans la ligne du billet précédent dans ce blogue : «Mesurer le degré d’islamophobie? - Et si on dressait la carte d’avancement de nos dialogues interculturels?...» Je vous les partage:
J’ai eu un fils adoptif qui portait la douleur de l’abandon par ses parents, et qui du coup se sentait justifié de faire les 400 coups pour en faire baver d’autres. Il m’a fait comprendre que nous avons tous un sens inné de la justice de la vie, et qu’on peut en arriver à se sentir un mandat de justicier. L'origine latine du mot connaître veut dire naître avec.
Comment les gens que nous jugeons se perçoivent-ils eux-mêmes? Quelle vision du monde appuie leurs comportements, ceux que nous admirons comme ceux que nous déplorons? Qu’est-ce qui - à leurs yeux - justifie qu’ils pensent comme ils pensent, qu’ils se comportent comme ils se comportent?...
L'imam Guillet l'a bien compris. Suite à l'attentat de la Grande Mosquée de Québec en mars 2017, il a publiquement demandé au meurtrier de l'aider à comprendre ce qui s'était passé dans son esprit pour qu'il en arrive à poser son acte. J'ai trouvé cette invitation magnifique, et sûrement porteuse d'avenir.
Corruption, économie qui n'enrichit que les riches, pollution de la planète, pratiques peu démocratiques, etc. : de plus en plus les gens et les communautés sortent du silence, affirment leur soif d’autre chose. - Enfin ! Bien sûr, c'est chargé d'émotion, mais ça fait surface et ça nous questionne tous ensemble.
Dans trois ans d'ici, supposons, qu'est-ce qui aura vraiment provoqué des changements salutaires?...
Que se passe-t-il quand nous dénonçons une situation jugée inacceptable? On accuse, attaque-défense, les positions se rigidifient... Premier résultat: on baisse son propre niveau d’énergie. La population s'inquiète. Et c'est toute la société qui finit par y perdre. Est-ce vraiment ça que nous voulons?...
J'ai connu un parent qui disait à ses jeunes, devenus militants «Dénonce si tu as quelque chose à proposer, sinon tais-toi»
Quelles semences nos interventions lancent-elles devant?...
La plupart d’entre nous avons jardiné et montré à nos enfants comment le faire.
- Nous choisissons nos semences, nous savons qu’une graine de carotte donnera une carotte, pas un chou; et qu’une seule graine en donnera plusieurs.
- Le jardin commence à pousser, et alors nous arrosons les fleurs que nous voulons voir pousser, surtout pas les autres !
Ça nous paraît évident; pourtant nous l'oublions au moment de vouloir régler un conflit. Entre nos deux oreilles il y a aussi un jardin, qui obéit aussi à cette dynamique de la vie. Quelles fleurs de vivre-ensemble voulons-nous voir pousser? Peut-être étoufferont-elles d'elles-mêmes les mauvaises herbes?... Il y a des gens qui s'acharnent à tirer sur l'obscurité, inconscients qu'il fournissent du carburant à ce qu'ils ne veulent pas. Il y en a d'autres qui allument des petites lumières...
Les communautés amérindiennes interrogent leurs rêves pour choisir leurs projets. La psychologie nous propose la visualisation créatrice. Pour ma part, je suis séduit par un enfant quand il veut un jouet qui le fascine. Il l'a mangé des yeux au magasin, il entre en émotion jusqu'à danser sa demande à ses parents ...au point qu'ils ne peuvent plus le lui refuser. Et si la vie fonctionnait avec cette dynamique semence-récolte partout?...
Quelle motivation à changer d’attitude suscitons-nous chez ceux que nous étiquetons d’islamophobes ou ou de revendicateur-qui-vient-nous-changer-chez-nous?... Une amie, préposée dans une cafétéria d'hôpital, me racontait qu'elle avait plaisir à complimenter certaines femmes musulmanes sur la beauté de leur voile. Qui sait si de retour chez elles, ces femmes ont pu se demander elles-mêmes leurs raisons de porter un voile?... L'une qui le porte par sentiment d'appartenance à sa communauté d'origine continuera sans doute à le porter. Une autre qui le vit comme une prescription sociale patriarcale osera peut-être l'enlever...
«On ne voit bien qu’avec le cœur» disait le Petit Prince.
Ce que plusieurs ne voient pas, c'est que leurs interventions nous paralysent dans un modèle gagnants-perdants. Il faut des coupables, ce sont eux...
Un autre principe d'action me paraît sûr : «On ne peut pas changer une situation en restant dans le modèle de pensée qui l’a fait naître» : c'est un des constats que font les analyses sur des changements sociaux qui ont avorté.
Nos solutions sont-elles vraiment d'un modèle gagnants-gagnants? Ça demande le courage d'exiger, et de soi et des autres, que chacun fasse son bout de chemin, accepte des compromis. C'est le prix à payer pour réellement créer du neuf ensemble.
Nos rencontres Cultures au coeur sont nées dans l'esprit du proverbe amérindien : « Tu comprendras l’autre quand tu auras marché trois lunes dans ses mocassins». Nous avons commencé par tenir des soirées-rencontres qui réunissent des Québécois d’origine et des Québécois d’adoption : des témoins sont invités à nous raconter leur parcours culturel.
Par exemple, une personne comme Nour Sayem - Syrienne d’origine et réfugiée au Québec depuis 50 ans - nous a appris à voir l’égalité hommes-femmes avec d’autres yeux, nous montrant comment sous des dehors où ce sont les hommes qui prennent nombre de décisions, ce sont les femmes qui inspirent les décideurs et désamorcent bien des conflits. Les femmes syriennes ont obtenu le droit de vote bien avant les femmes québécoises !
Après plus de trois ans à tenir ces rencontres - avec un grand bonheur, d'ailleurs - nous entreprenons d'explorer le jumelage interculturel, voulant vivre un contact plus direct de personnes à personnes, de familles à familles, au pied de notre porte. Notre idéal est modeste: semer quelques germes d’amitié avec quelqu’un d’une autre culture que la nôtre. Et s'il y a des services à échanger, le faire à travers l'Accorderie de Québec, qui a mis au point un système de troc basé sur le gagnant-gagnant. Faire des choses de plaisir ensemble, s'écouter, découvrir d'autres visions de la vie, au travers des courses à faire, des enfants à prendre dans les bras et des inattendus vécus de part et d'autre à la petite semaine.
Ma conclusion
Oui, je suis convaincu que le contact au milieu de la vie ordinaire, direct, accueillir sa vérité telle que lui la voit au risque qu’elle vienne secouer la mienne, est porteur de semences. J'appellerais ça prendre le risque de l'autre.
Je crois que toute semence aura sa récolte. Comment?... Je ne le sais pas par avance et je n’ai pas à trouver seul la réponse : et si nous la trouvions ensemble?
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Dernière mise à jour: 7 février 2019